"Cet éclat, ce bout d'humanité, lecteur, se dévoile ici au fil des pages. il s'appelle savoirs du chant et de la danse, art de la séduction et du conflit, science de la maîtrise et des dérèglements. Il est musique singulière, invention sans cesse renouvelée d'un vivre côte à côte, corps à corps, face à face, corps contre corps.
Lançons par textes interposés notre bouteille à la mer."
Michel Neumayer (édito du N°104 de la revue d'écritures Filigranes)
C’est calme, trop, calme.
Trop… silencieux.
Plus – aucun – bruit.
Puis des gouttes de pluie.
Sur le toit, la terrasse, les vitres des fenêtres.
De grosses gouttes, lourdes. Insistante monodie.
Tap tap tap, tap tap tap, tap tap tap.
Je glisse vers un fauteuil, proche.
Et ferme les yeux.
La pluie entonne :
« Un deux trois, un deux trois, un deux trois. »
« Trois trois trois », répète une voix.
Je reconnais la voix.
Petit-fils.
« Un mètre quatre vingt trois » se glorifiait la voix.
Ah !
La pluie accélère son tempo.
Tap tap tap, tap tap tap, tap tap tap.
Cent, mille, cent dix mille billes d’eau
Frappent, tapent et font des flaques
Sur les marches des escaliers, les poteries voraces,
le banc abandonné.
Je m’agite dans mon fauteuil
Et ouvre les yeux.
Au noir de l’orage. À l’air oppressant. Au fracas imminent.
Pan ! coup de tonnerre tonitruant.
Je sursaute. L’électricité disjoncte et un retentissant déluge s’abat sur les arbres, les rosiers fatigués et
la rue qui dévale.
Mon esprit, entraîné par les trombes d’eau, part à la dérive,
escorté par ces milliers de notes de pluie,
cellules de vie.
Baba, le chat roux des voisins, réfugié sous la table du jardin me regarde fixement.
Je t’entends Baba, je t’entends :
« Laisse aller, c’est une valse ».
Tap tap tap, tap tap tap, tap tap tap.
Jeannine Anziani