Il serait peut-être temps qu'après vous avoir présenté le bouquin il y a quelques jours, Le plus petit des grands magasins , je vous donne envie de le lire...
Bon, forcément, j'ai crée une nouvelle catégorie rien que pour lui !!!
Et voici le début :
La porte bleue du jardin avait claqué fortement derrière moi. C’est qu’elle était vraiment massive cette porte et si on tirait un peu trop sur la poignée en cuivre pour la fermer, vlam ! Le bruit retentissait jusqu’au fin fond du quartier !
Bleue…
« C’est par une porte bleue que l’on entre au pays des chatons barbouilleurs… »
Voilà pourquoi bleue.
« C’est par une porte bleue… »
« Que l’on entre »
« Par une porte bleue… »
Bleu. Comme la planète, le ciel, comme une orange…[1] et comme ses yeux à lui. Mon père.
Lui me prenant par la main tous les dimanches pour traverser l’avenue du Prado. De l’autre côté, en face de notre immeuble, se situait un kiosque à journaux. Tous les dimanches, ponctuellement l’auteur de mes jours s’y rendait pour régler la livraison quotidienne de son Provençal. Accessoirement, tous les dimanches, je me retrouvais propriétaire d’un nouvel album pour enfants. Car tous les dimanches, il me posait la même question pendant que j’hésitais entre deux :
- Alors, lequel tu choisis ?
- Je sais pas lequel prendre…
- Bon, on prend les deux…
Au rythme de cinquante deux semaines par an les livres à la tranche dorée n’avaient pas tardé à envahir la chambre que je partageais avec ma sœur et les placards de l’appartement.
C’est sans prévenir que notre mémoire dès l’enfance enregistre sons, odeurs, images, clic-clac, dans la boîte ! « Au pays des chatons barbouilleurs » les pots de peinture se renversaient, se mélangeaient. Bleu et jaune donnaient naissance au vert ; le rouge et le blanc se transformaient en rose…
Un album cartonné de la collection "Rouge & Or" s’est ainsi imprimé à jamais pots de peinture, chatons et porte bleue dans une encoignure de ma souvenance.
Sauf que l’enfance s’en va, l’adolescence s’en vient, l’adolescence s’en va, un amour vient et vient un jour de mistral glacial de janvier où je m’étais mariée.
Suite logique me voici intégrant la garçonnière étriquée de l’époux, maï ! Zéro place pour les albums à la tranche dorée dans l’étroit rez-de-chaussée :
- Maman, on peut rien mettre dans c’t appart. ! Mais tu me les
gardes ab-so-lu-ment hein, d’accord ? Je les reprendrais plus tard.
… Ma mère les avait donnés… ou… jetés…
Arghhhhhhhhh ! Je ne sais toujours pas si je lui ai vraiment pardonné.
« C’est par une porte bleue que l’on entre au pays des chatons barbouilleurs. »
Mais en ce dimanche d’élections législatives, laissant la porte et le souvenir dans mon dos, j’avais attaqué la ruelle qui commençait par dégringoler avant de remonter. Mars m’offrait un dimanche câlin, des souffles d’air léger, un soleil radieux. Tant mieux pour la ballade. Qui n’en était pas vraiment une… j’avais juste décidé, l’humeur vagabonde, de me rendre à pied au bureau de vote pas si éloigné que ça de mon logis.
Mon homme avait dit :
- Bof ! Et était resté bricoler dans sa cave.