Septembre : saison des vendanges et des vins nouveaux.
Tchin !
Dans la cuve pas complètement remplie pour éviter tout débordement, le vin
bouillonne et fait du bruit. On appelle cela le bouillage. La cuve sera remplie progressivement, le terme approprié est : l’ouillage.
Ouillage bouillage
comme une
ritournelle
à travers les âges
Dans la cuve inox ou plus rarement à présent le fût de chêne, le vin va fermenter
jusqu’au premier soutirage des dépôts les plus grossiers. Selon les circonstances, surtout les années de forte acidité des moûts, sera pratiquée ensuite la fermentation malolactique ; le but
de l’opération étant d’éliminer la saveur acide de la boisson.
Malolactique, la tactique rime avec didactique. Mais aussi avec...
diabolique !
C’est que cette transformation chimique ou l’acide malique se métamorphose en acide lactique sous l’action de bactéries spécifiques procède d’une sorte d’alchimie, ne croyez-vous
pas ?
L’étape suivante consistant à clarifier le liquide, il s’agira de faire un sort
définitif aux particules résiduelles dommageables pour les arômes.
Pour délayer le breuvage, le "coller" l’homme a successivement essayé toutes
sortes de manières d’agir : de la colle de poisson (si fait !), de la gélatine, du sang (glup !), du blanc d’œuf, de la craie (beurk !) de la bentonite (un type
d’argile)…
De nos jours le vin est le plus souvent filtré selon deux méthodes : soit il
est passé au-dessus d’un mélange de micro-organismes marins, soit il est passé au-dessus d’un filtre-à-plaques muni d’un papier
spécifique.
Pressurage, fermentations, assemblage nous parlent d’inventivité, de rigueur, de
patience, de goût du travail bien fait. Mais dans ce diable de savoir là dont l’aboutissement se nommera Gewurztraminer, Premières-côtes-de-bordeaux, Bandol, Cassis ou Vin de Champagne, ne
trouverait-on pas aussi quelques traces de sacré : l’alliance du matériel et du spirituel ?
Dans la Bible, Noé est le premier vigneron. Noé étant évidemment un personnage
éminemment intéressant. Mais c’est un autre sujet !
Ici me trotte dans la tête une pensée. Comment, bien avant que Noé ne se mette à
cultiver ses trois vignes, l’idée vint-elle à un homme ?
Comment 6000 ans avant J.C. l’idée de faire d’une liane sauvage poussant sur les
arbres du Caucase une plante cultivée a-t-elle germé dans le cerveau d’un géorgien ?
Etait-ce le fruit d’une vraie réflexion longuement mûrie ou bien un beau matin,
un jus fermenté dégoulinant d’une grappe tombée a-t-il déclenché dans l’esprit du caucasien la théorie subite que ce jus là était une boisson extraordinaire ?
Un bénéfique accident de la nature en quelque sorte comme pour notre
bonne vieille tarte Tatin.
Cependant, croyez-vous que notre géorgien inspiré a tout de suite réalisé que sa
trouvaille lui procurerait l’ivresse ?
Maintenant, faisons un grand bond historique pour nous retrouver vers 1670 à
l’abbaye Saint-Pierre d’Hautvillers. A nouveau je me pose la question : fruit d’un raisonnement mathématique ou coup de pot la naissance de notre célèbre vin pétillant dans les caves de la
dite abbaye ?
A l’époque les bouteilles étaient bouchées avec de l’étoupe. "Dom Pérignon
rechercha un moyen plus esthétique et surtout plus propre." *
La légende raconte qu’il pensa alors faire couler de la cire d’abeille dans le
goulot des bouteilles pour obtenir une herméticité parfaite. "Mais plusieurs semaines après le bouchage certaines bouteilles se mirent à exploser"
Ce serait donc bien le hasard qui se serait manifesté en premier...
Certes, mais ensuite notre moine avait le choix. Il aurait très bien pu laisser tomber, ne pas rechercher d’explications au phénomène, ne jamais découvrir que "la cire d’abeille contenait du
sucre et que ce sucre avait manifesté une fermentation à l’intérieur des bouteilles d’où leur soudaine effervescence… "
Seigneur…
Un dernier bond dans l’histoire pour nous retrouver à l’heure actuelle. Je
consulte mon Micro Robert et je lis : la fiction est un fait imaginé et les sciences un ensemble de connaissances générales.
« Marions-les, marions-les » chantait Juliette Gréco à propos d’un
petit poisson et d’un oiseau. O.K.
Prenons le fait supposé d’un côté et le moine possédant certaines connaissances générales de l’autre, célébrons
leur union et rendons leur grâce. Suite à leur communion, je savoure aujourd’hui à sa juste valeur une coupe où pétillent joyeusement en surface
de fines bulles :
- A votre santé blogueurs, blogueuses !
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* Jean-Michel Ducellier, Président de 1975 à 1994 de l’Union des Grandes Marques
& Maisons de Champagne.