A Marseille, les poissons ont adopté les HLM de la mer
(Publié dans " La Provence " le
vendredi 09 avril 2010 à 08H17)
Immergés il y a 2 ans au large du Prado, 30
000 m² de récifs artificiels sont déjà colonisés par de nombreuses espèces.
A 500 m des côtes du Prado, par 20 mètres de
fond, c'est un Las Vegas de récifs qui a poussé sur le désert sous-marin. Même les rascasses y emménagent !
"Un logement pour tous" promet la
municipalité. Et elle tient parole ! En à peine deux ans, la pénurie de logements sociaux, le problème des sans-abris et des mal logés ont été réglés à Marseille... du moins en ce qui concerne la
partie engloutie de la ville, cette Atlantide de béton édifiée à quelques encablures des plages du Prado. A 500 m des côtes et par 20 mètres de fond, c'est un Las Vegas... pour les poissons qui a
poussé sur le désert de gobis.
Autoroutes et vidéosurveillance
Deux ans seulement après leur immersion, les récifs artificiels grouillent de nouveaux habitants: "Toutes les ruches sont colonisées : par des sars, des labres, des rascasses, chapons,
girelles, calamars, castagnoles. Il y a sur le récif de quoi faire une énorme bouillabaisse !", se réjouit Emilia Médioni, ingénieur à la direction municipale du développement durable, qui
suit au quotidien l'évolution de ce programme immobilier. Gigantesque opération que ces 30 000 m3 de récifs:"les plus volumineux de France et parmi les plus importants d'Europe", précise
Didier Réaut, l'adjoint UMP à la mer.
L'idée, lancée il y a 10 ans, était de repeupler le site, un "no fish land" plat et sablonneux, dévasté par
la pollution de l'Huveaune et les travaux d'aménagement des plages Gaston-Defferre. Des logements "tout confort" ont été créés pour les colonies de poissons, coquillages et crustacés afin qu'ils
puissent se nourrir et se reproduire. La Ville n'est pas peu fière de cette réussite. Grâce à des financements d'Etat et européens, un budget de 6 M€ a été débloqué pour la construction, sur
mesure, de 700 appartements "les pieds dans l'eau".
L'opération étant un modèle du genre, elle bénéficie de 4 autres millions d'euros pour financer le suivi scientifique. Avec des premiers résultats plus qu'encourageants. "Même des poissons
très sédentaires, comme le lapogon ont emménagé dans les récifs", indique Emilia Médioni. Des tests génétiques devraient confirmer la présence d'espèces venues de Port-Cros, ou même des
côtes italiennes : jusqu'à présent, faute d'infrastructures hôtelières, ces poissons touristes ne faisaient que passer par Marseille mais ne s'y installaient pas ; désormais, la ville
sous-marine propose des HLM à huîtres, des studios à poulpes, des villas à sars (avec terrasse !): la mixité (biologique) n'est pas un vain mot à 30 m de profondeur.
La cité engloutie a aussi ses "routes", amas rocheux qui relient les six quartiers, où les poissons peuvent
circuler en rasant les murs à l'abri des prédateurs. Et côté nuisances, les habitants peuvent dormir tranquille: interdit à la pêche, à la plongée et à l'ancrage, le quartier vit dans le monde du
silence. Enfin, notez qu'en guise de force de l'ordre, des plongeurs scientifiques inspectent régulièrement la zone, qui va bientôt bénéficier d'un dispositif de vidéosurveillance.
Un réseau de caméras filmant 10 mn par heure pour mieux comprendre ce qui se passe la nuit ou au crépuscule:
les "heures de pointe" de la circulation des poissons. Grands bénéficiaires à terme de l'opération: les pêcheurs professionnels sont partie prenante associés au projet. Car, outre l'aspect
écologique, l'objectif est de développer les ressources halieutiques de la rade. Au Cap Couronne, où 3000 m3 de récifs ont été immergés il y a 20 ans, la biomasse a été multipliée par 40, avec
des poissons à la fois plus nombreux et plus gros. Bienheureuses rascasses...