Celui-là ressemble à un chien battu. C’est un homme d’environ cinquante ans, un mètre quatre vingt, ni trop gros ni trop maigre mais les épaules légèrement voûtées et une figure grave et triste. Il porte une barbe poivre et sel pas très fournie et derrière des petites lunettes sans monture, des yeux marrons de cocker mélancolique hésitent à vous regarder.
Quand il s’exprime, sa voix déraille un peu dans les aigus et les inflexions manquent de conviction. Notre homme s’anime uniquement quand il parle de ses abeilles : il est apiculteur. Alors là, subitement, grand changement, le corps se redresse, le regard devient franc, les mots affirment : « j’ai 83 ruches. Il en faut au moins 70 pour être reconnu comme professionnel. »
Le chien battu a été enfant, il y a bien longtemps, mais n’arrive pas à oublier ce qu’il a vu et entendu : sa mère tapée par son père, les cris, la vaisselle brisée… même si l’enfant n’a jamais été touché, même s’il partait se réfugier dans sa chambre…
C’est sa mère qui était battue mais c’est lui qui a pris les coups.