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19 décembre 2022 1 19 /12 /décembre /2022 15:44

Le N° 111 de la revue d'écritures Filigranes vient de paraître. Un nouveau design pour la couverture, une mise en page elle aussi renouvelée, il était nécessaire de rajeunir la revue publiée depuis bientôt 40 ans ! 

Un record pour une revue qui devient semestrielle à la place des 3 numéros par an. Petit rappel, vous pouvez retrouver toutes les infos sur le site : http://filigraneslarevue.fr, mais l'ancien site : www.ecriture-partagee.com existe toujours pour l'instant.

Avec ce N°111 s'ouvre un nouveau cycle - végétal - déclinant le thème HUMUS.

Si l'aventure d'écrire pour le prochain numéro 113 de la revue vous tente, sachant que la thématique en sera : L'air et les songes,  il vous suffira d'envoyer votre texte à filigraneslarevue@laposte.net.  Auparavant le mieux serait malgré tout d'aller faire un tour sur le site.

Filigranes ne publie que des textes courts (4000 signes maxi.)

 

Pour en revenir au N° 111 Humus, voici ci-dessous, regroupé dans la catégorie Pétris de terre, ma participation.

 

Sans Hâte

 

Accroupie devant l’ocre poterie pansue, la terre glisse entre mes doigts.

La sensation, si douce, si agréable, envoie mon Humeur par monts et par vaux,

aux plus profondes oubliettes du château-fort de ma mémoire.

Posée dans le présent, je me détache de l’actualité pas franchement gaie. J’étouffe

les foisonnantes pensées et leurs images de film de guerre, sauf que ce n’est pas un film et j’en néglige l’exercice littéraire qui m’attend devant l’ordi, là-haut, dans la mezzanine.

L’Hortensia pointe le bout de ses bourgeons, il va apprécier l’apport de terre de bruyère.

Et mon humble personne, qu’est-ce qui l’a fait pousser ?

Tout en me relevant, furieux Hourvari dans mon esprit ! La tête tournée vers l’azur,

un questionnement existentiel m’envahit. L’Humain, sous toutes les latitudes, tellement de diversité, tellement d’évolution, depuis sa « germination ». Mais cette croissance,  pas encore complètement aboutie, semble-t-il.

Hum ! oui, sans doute, l’apprentissage n’est-il pas terminé.

Quant à moi, à composer, avec les gènes des ancêtres, l’éducation reçue, les rôles endossés bon gré mal gré, les coups de soleil, les coups du sort, les enfants qui ont grandi trop vite, les petits-enfants encore plus vite et ceci et cela… et l’amour et l’effroi, comment m’en suis-je sortie ?

Une vie réussie, ou pas ?  Si je me réfère à Laurent Gounelle qui nous en donne une recette dans L’homme qui voulait être Heureux, je m’en sors… honorablement. Ouf !

Un ouf de Houle. Des mouvements de mon Histoire. L’enfance, l’adolescence, la maturité, la Méditerranée.  

Au bout d’une rue d’Antibes, à l’horizon d’un balcon, au pied de la terrasse d’un cabanon, de chaque côté d’un ponton de bois branlant sous lequel passent des muges qui viennent respirer à la surface, dans la musique obsédante des cigales planquées sur l’écorce des grands pins torsadés, penchés vers l’eau salée.

À proximité des poissons, au joli mois de mai, les odorantes fleurs jaunes des immortellesme grisent indéfectivement.

Immortel ? Ça vous tente ?

En attendant cette éventualité, me voici devant mon ordi, à me dépatouiller avec les mots.

Ils vont germer, sans Hâte.

 

Jeannine Anziani

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16 juillet 2022 6 16 /07 /juillet /2022 12:00
Nuit de veille sur la mer

Ce numéro 110 clôture la série Focales de Filigranes : http://filigraneslarevue.fr avec la thématique de "Qui tient l'appareil ?"

Après m'être un peu torturée les méninges avec la contrainte, j'ai repensé à un texte que j'avais écrit il y a quelques années sur un de mes journaux de bord. Car pendant 37 ans, j'ai tenu, sur nos voiliers successifs, des journaux de bord de nos allées et venues sur La Grande Bleue.

Ayant trouvé qu'il convenait parfaitement, je l'ai malgré tout un peu remanié. Le collectif de la revue l'ayant adoubé, le voici fraîchement publié.

Bonne lecture.

Nuit de veille sur la mer

Nuit de veille sur la mer

 

Halo de lune nuageuse

Étoiles paresseuses

Mer en creux, en bosses douces

Le voilier trace sa route

Et moi des signes sur le papier

Au hasard, sans presque rien y voir.

 

À l’arrière du bateau,

Les trois couleurs du drapeau se nuancent d’un camaïeu de gris.

La nuit s’enveloppe d’air humide

« Rien à l’horizon » dit la passagère.

 

C’est une nuit de lune rousse, de nuages en ordre dispersé.

La passagère est allée s’allonger dans le carré.

J’ai pris mon quart sous un bonnet rayé, la route est longue…

Je chante pour me donner du courage :

« Le soleil a rendez-vous avec la lune, mais la lune n’est pas là et le soleil attend. »

 

Toujours rien à l’horizon, rentrons, vérifions sur l’écran du radar.

Il confirme.

Tenir quatre heures… écouter avec attention le bruit du moteur ;

sortir toutes les vingt minutes, vérifier de visu, prendre le vent sur le nez,

guetter les lourds cargos, les pétroliers géants.

 

À l’intérieur, ils dorment, me transformant en vestale de leur nuit.

À l’avant du bateau, feu vert à tribord, rouge à bâbord.

Attendre sans attendre. L’aurore tiède, le capitaine venant me relever.

Plus que deux heures à tenir, ne pas faillir.

 

La passagère s’est relevée, le capitaine s’est réveillé,

le potage chinois m’a brulé le palais.

Dans le cockpit, sous le taud bleu il y a une clandestine :

une cigale embusquée. Elle tient compagnie à la passagère fumant dans la nuit.

 

Je suis rentrée me mettre à l’abri, tapie à nouveau devant l’écran.

Une grosse tache noire s’anime dans le dernier cercle. Signe d’un énorme bateau…

un deuxième plus petit à tribord. Le deuxième est passé, la grosse tâche s’est rapprochée.

Surveillons ce vilain cafard… dans le brouillard surgi de nulle part. Adrénaline.

Ouf ! le cafard est passé, c’était serré.

 

3 h du mat. L’équipage au grand complet s’anime.

Encore 40 miles. J’irais bien me recoucher… si la brume se dissipait.

De concert, capitaine, passagère, veillent dehors et moi dedans.

Toujours devant les cercles en noir et blanc sur l’écran.                                       

Jeannine Anziani

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10 décembre 2021 5 10 /12 /décembre /2021 14:33
Illustration de couverture Jacqueline L'Hévéder

Illustration de couverture Jacqueline L'Hévéder

« Moteur - Action ! »

24 février 2021 

Plan panoramique 
Le ciel matinal déclare : 
« regarde, j’ai mis mon bel habit bleu. »
Via via la vie continue. Sans conservateur sans colorant
sans huile de palme, sans bisous sur les joues.

Plongée 
« Mais de moins en moins de temps, me susurre sournoisement 
à l’oreille un lutin cruel. »
Grrrr ! Qu’est-ce qu’il en sait cet empafé ?

Changement de focale 
Je m’efforce de ne pas écouter le lutin sadique, enclenche
une pensée guimauve, écoute en boucle la chanson de Chaplin : 
 Smile though your heart is aching
Smile even though it's breaking
When there are clouds in the sky, you'll get by ♪♫

Et alors Flashback 
J’étais une adolescente insouciante, installée à l’arrière 
d’une Peugeot hors d’âge parcourant l’Épire. Au volant, 
mon oncle narrait avec brio et délectation mille péripéties
revisitées de la mythologie. Assise à ses côtés ma tante riait 
aux éclats en se retournant régulièrement vers moi pour me 
caresser de son regard d’azur

Maintenant, un Plan large 
Une île grecque aux volets bleus, mon refuge fantasmé.
Des poulpes qui sèchent sous les rayons ardents, de tortueuses
routes caillouteuses aux pentes abruptes à vous nouer l’estomac, 
un gâteau d’anthologie au miel et aux amandes -tous sens en éveil -, 
des ferrys qui s’en vont pour mieux revenir

Ensuite un Zoom
Une autre île du pays des dieux. Sur la façade d’une taverne 
en bord de plage, MON nom, de jeune-fille comme on dit, 
s’affiche en GRAND. C’est la séquence émotion. Le sourire de
mon père est suspendu dans l’air, accompagné des hochements 
de tête de tous les ancêtres

Dernier plan
La maison. Extérieur perdu dans une froide brume vaguement 
oppressante, intérieur chaleur et douceur. La bibliothèque aux 
livres-compagnons de fort et d’infortune. Mon chat, pas botté, 
me suit pas à pas ; moi, imaginant une balade à Rome en vespa. 

Clap de fin
Ne reste plus qu’à ranger dans le tiroir des rêveries cette sorte 
d’anamorphose en noir et blanc. La grâce d’Audrey Hepburn, 
le charme de Gregory Peck. 

Le soir se déplie : « la brume s’est enfuie, murmurent  les étoiles, 
vois-tu nos diamants étincelants d’éternité ? »               
J’existe encore

Jeannine Anziani

 
 Smile, Charlie Chaplin a écrit la musique, sans paroles, du thème de la romance du film 
Les Temps modernes, (1936). 
En 1954, John Turner et Geoffrey Parsons lui ajoutèrent des paroles et lui donnèrent le titre de Smile.

 

 Revue Filigranes N°108 "A l'échelle"
Chaque exemplaire de la revue est divisé en 3 rubriques.
Cette fois-ci : L'ESPACE S'OUVRE, HUMAINES GEOGRAPHIES, 
CE QUI NOUS TRAVERSE.
Mon texte s'est retrouvé dans HUMAINES GEOGRAPHIES.

 

Pour s'abonner à la revue, envoyer des textes, contecter la revue, participer, voir ci-dessous :

 Revue Filigranes N°108 "A l'échelle"

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31 janvier 2021 7 31 /01 /janvier /2021 16:20
Revue Filigranes N°106 "Glanages..."

En la mineur

Au détour d’un jour, une phrase me percute le cœur :

« Parler de soi en la mineur, la note préférée des romantiques mélancoliques. »

Exactement dans le ton de mon fragile état d’âme passager. Parce que parler, écrire, des fois je me demande…

Je me demande si le message ne m’a pas été envoyé par Tyché. Vous savez, la divinité de la Fortune qui joue, dans la mythologie grecque, avec le destin des mortels comme avec une balle.

Par Zeus ! derrière quel nuage ai-je glané la citation ? Mystère et boule de gomme. Arabique. En un clin d’œil me voici propulsée en Égypte.

Quel plaisir, de-ci de-là, de grappiller des mots au bout des doigts.

Gomme arabique, sprezzatura, wonderful, laïla tov, baklava… la niña de la casa !

Dire que j’ai été la niña de la casa…

Comme c’est loin. Nostalgie. Des images se forment. Retrouver une photo, me remémorer quelques notes de musique, en la mineur ou pas.

Et me voilà propulsée en majeure mélancolie.

Vite. Oublier ma mémoire.

Occuper le corps. Mettre de l’ordre. Faire une tarte aux abricots. Biner, sarcler, arroser le jardin.

Justement, ce pauvre sécateur abandonné sur un muret a l’air déprimé. Et les épis de lavande n’en peuvent plus d’attendre. L’heure de la cueillette a sonné.

Vite. Vite. Les fleurs odorantes dans les mouchoirs noués, à déposer sur les étagères, dans les tiroirs, à distribuer aux enfants.

Au passage, ramasser un peu de patience. Aller au bout… de tout… demande de la constance.

La tâche, ardue, me parfume d’une humeur de brume langoureuse. Je devrais la glisser au milieu des mouchoirs enrubannés.

D’autre part, ne pas sous-estimer l’avenir.

La semaine dernière, nous est tombé du ciel un chaton tigré à la langue râpeuse.

En cette année 2020, la lettre par laquelle les prénoms des chatons commencent est le R.

Miaou ! Le nom de baptême du tigre de poche est… Raoul !

Jeannine Anziani

06/07/20 et les jours suivants…

 

 

Revue Filigranes N°106 "Glanages..."

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27 septembre 2020 7 27 /09 /septembre /2020 13:27

La nouvelle thématique qui s'offre aux écrivants de la revue va, comme les précédentes, se diviser en 3 numéros.  Pour ce N° 105, premier volume du thème"ça déborde ! ", il s'agissait de Récup et maraudes.

Pour ceux et celles qui ne connaissent pas la revue d'écritures, rendez-vous sur :

www.filigraneslarevue.fr

Ci-dessous ma participation :

Revue Filigranes 105 "ça déborde !"

Faire Famille

 

Le maître de maison a crié : « champagne ! » et la famille s’est

resserrée dans le salon. Le pétillant liquide doré a commencé à

couler dans les flûtes de cristal : « ça déborde ! » a hurlé le fils.

Plus tard, tous se sont retrouvés à table.

 

L’ambiance aussi était mousseuse. Le sapin clignotait, l’air léger

et ils allaient encore trop manger. Mais… mais il y a toujours un

mais. Aux treize desserts, une phrase, courte, a fusé comme un

pétard de papillote.

 

Et… et il y a toujours un et. Au nougat noir, au nougat blanc,

les phrases ont sauté comme des bombes.

« Tu dépasses les bornes ! » a lancé la fille.

Il y a des sujets qu’il vaut mieux ne pas aborder dans les

réunions de famille.

 

Maintenant il y avait trop de vaisselle sale, trop de papier cadeau

déchiré. D’ailleurs il y avait trop de cadeaux.

Trop. C’est un mot bref.

 

Quatre lettres : trois consonnes, une voyelle. Trop, c’est plus

qu’il ne faudrait. Mais si on lui ajoute une négation, la signification

change, ça devient « guère ». « Cela n’est pas trop sûr. »

 

Ce qui était sûr, les gens réunis là s’aimaient. Peut-être trop,

peut-être trop mal, mais ils possédaient au fond d’eux,

probablement sans en avoir conscience, tel un soleil de minuit :

« la décence commune » dont parlait Orwell.

 

Les soirs de fête sont des soirs d’oubli.

Les lendemains de fête sont des jours de repli.

Le surlendemain de fête, le monde nous rattrape. On ne court pas

aussi vite que le temps.

 

Alors l’Australie brûle, la Syrie est un champ de ruines, le

département voisin se noie, l’épisode méditerranéen a dévasté

la calanque. De toute façon, la Grande Bleue n’est plus bleue,

mais plastique. Un sale virus nous guette, mais nous ne le

savons pas encore.

 

« C’est l’effet papillon petite cause grande conséquence"*.

 

Modifier le monde devient le rêve du monde.

Tout de même, sur une plage d’Ibiza, il y a encore

des hippies qui saluent le soleil plongeant dans la mer.

 

Faire sa part de colibri.

Une minuscule fleur d’érigeron se multiplie bien à l’infini.

 

« Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. »

(Albert Camus)

 

 

*"L'effet papillon" (Extrait de la chanson de Bénabar)

 

Jeannine Anziani

Janvier et mai 2020

 

 

 

[1] Paroles chanson Bénabar

A l'intérieur de la revue, les textes sont classées en 3 catégories. Je me suis retrouvée dans : En crue.

A l'intérieur de la revue, les textes sont classées en 3 catégories. Je me suis retrouvée dans : En crue.

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20 août 2020 4 20 /08 /août /2020 12:11

"Cet éclat, ce bout d'humanité, lecteur, se dévoile ici au fil des pages. il s'appelle savoirs du chant et de la danse, art de la séduction et du conflit, science de la maîtrise et des dérèglements. Il est musique singulière, invention sans cesse renouvelée d'un vivre côte à côte, corps à corps, face à face, corps contre corps.

Lançons par textes interposés notre bouteille à la mer."

Michel Neumayer (édito du N°104 de la revue d'écritures Filigranes)

Dans le N° 104 de Filigranes "Pas de danse"

 

 

C’est calme, trop, calme.

Trop… silencieux.

Plus – aucun – bruit.

Puis    des gouttes de pluie.

Sur le toit, la terrasse, les vitres des fenêtres.

De grosses gouttes, lourdes. Insistante monodie.

Tap   tap   tap, tap   tap   tap, tap   tap   tap.

 

Je glisse vers un fauteuil, proche.

Et ferme les yeux.

La pluie entonne :

« Un deux trois, un deux trois, un deux trois. »

« Trois trois trois », répète une voix.

Je reconnais la voix.

Petit-fils.

« Un mètre quatre vingt trois » se glorifiait la voix.

Ah !

La pluie accélère son tempo.

Tap tap tap, tap tap tap, tap tap tap.

 

Cent, mille, cent dix mille billes d’eau

Frappent, tapent et font des flaques

Sur les marches des escaliers, les poteries voraces,

le banc abandonné.

Je m’agite dans mon fauteuil

Et ouvre les yeux.

Au noir de l’orage. À l’air oppressant. Au fracas imminent.

Pan ! coup de tonnerre tonitruant.

Je sursaute. L’électricité disjoncte et un retentissant déluge s’abat sur les arbres, les rosiers fatigués et

la rue qui dévale.

 

Mon esprit, entraîné par les trombes d’eau, part à la dérive,

escorté par ces milliers de notes de pluie,

cellules de vie.

 

Baba, le chat roux des voisins, réfugié sous la table du jardin me regarde fixement.

Je t’entends Baba, je t’entends :

« Laisse aller, c’est une valse ».

Tap  tap  tap, tap  tap  tap, tap  tap  tap.

 

Jeannine Anziani

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5 janvier 2020 7 05 /01 /janvier /2020 14:02

Il y a, bien sûr, ceux qui suivent ce blog et connaissent, en conséquence, la rue d'écritures Filigranes à laquelle je participe depuis 2003. Mais je me dis aujourd'hui qu'il y a en permanence de nouveaux venus sur ce blog et que je me dois donc d'effectuer un petit rappel.

Filigranes, revue d'écritures, est une "aventure collective engagée en 1984" et poursuivie depuis.

Trois fois par an, sur un jour et demi, se tient à Aubagne un séminaire (gratuit) ouvert à ceux qui élaborent les choix éditoriaux ainsi qu'à tous ceux qui souhaitent commencer ou poursuivre une démarche d'écriture ou encore enrichir et partager leur réflexion au sujet de la création contemporaine.

www.ecriture-partagee.com

Une thématique est définie, collectivement, pour un an. Le thème actuel se décline autour de"Quat'z'arts". Après le volume 1 : Emprunts, empreintes, il est question pour ce volume 2 de : Sur la corde raide.

Sur la corde raide "Quat' z'arts" volume 2 (revue Filigranes)

 Émotion brute

 

 

Rouge.

Comme la touche ténue dont Corot ponctue ses tableaux.

Les coquelicots éphémères,

L’explosion de colère… … …

 

Bleu.

Comme le ciel d’été dans lequel tourbillonne un drone meurtrier.

L’océan de plastique,

Les yeux du fanatique… … …

 

Pouce.

 

Ce soir, dans l’immense pièce blanche où rien ne vient

heurter l’élégance du sobre décor sophistiqué, il y a cette

petite-fille qui s’en fiche et qui danse, seule,

sous les notes de musique d’un orchestre d’étudiants.

« Ne voyez-vous pas que tout ce qui arrive est toujours

un commencement ? » écrivait Rainer-Maria Rilke.

 

Pause.

 

Et les gens en vacances se sont posés. Autour de la cheminée

centrale, où brûlent des bûches rassurantes.

« Nourritures d’impression » a conseillé le sage.

Se désaltérer aussi. Mais tenter un truc différent, se dit la

voyageuse funambule tombée ce matin-même en arrêt,

devant les mosaïques colorées des ruelles de Faro.

Comme ces tentants cocktails acidulés, dans leurs bocaux

hétéroclites, totalement inusités, qui circulent sur les tables

basses du spacieux salon.

En équilibre sur sa ligne de vie, elle imagine, furtivement,

qu’elle pourrait s’arrêter, par ici, interminablement.

 

À vivre une autre vie, dans un village du bord de l’océan,

sous les nids des cigognes et le parfum suave des fruits

ensoleillés des orangers.

Elle choisirait une de ces maisons étroites à la façade

pimpante, juste teintée de neuf, ou une abandonnée,

décrépite, fanée, pour le plaisir de tout refaire, semer un peu

plus de couleur, davantage de beauté.

Elle achèterait du poisson frais au marché d’à côté.

Elle inventerait des contes tendres et des fables hasardeuses

sur les oiseaux des étangs, les femmes de pêcheurs,

le caméléon de l’Ilha Déserta.  

Elle méditerait sur le temps qui passe et ne s’arrête jamais.

 

Pour le jour de saudade, comme l’on nomme dans ce pays

la délicieuse mélancolie qui pince le bout du cœur, 

l’ancienne voyageuse se précipiterait sur le port d’Olhoa et embarquerait

très vite sur un de ces bateaux qui vont aux îles de la lagune...


           Jeannine Anziani

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1 août 2019 4 01 /08 /août /2019 12:13
Emprunts, empreintes  : Quat' z'arts (revue Filigranes)

N°102 de la revue Filigranes :

Thématique de l'année Emprunts, empreintes

et pour le volume 1 de cette série de 3 recueils sous-titre : Quat'z'arts !

Pfffttt ! j'ai de plus en plus mal à me glisser dans les contraintes de Fili... en même temps, le risque est seulement d'être refusé lors de la sélection des textes. Pas franchement dramatique ! D'autant plus, qu'une fois encore, ma production fera partie des élus... Allez le voici :

 

Où il est question d’un sous-préfet,

d’un triptyque en laiton doré

et d’un portrait

 

 

Littéralement à bout d’énergie, je me jette sur mon lit, mon cher sous-préfet sous le bras.

Comprenez celui d’Alphonse Daudet avec son bel habit brodé, son petit claque et son épée de gala à poignée de nacre

Une seule option m’apparait, me lancer sans tarder dans une de mes occupations favorites : librocubilariste assumée.

Félicité.

À distance de la métropole brouillonne, des fureurs de la société, ma chambre est comme un cocon, sous la protection de fétiches familiers.

Fétiches d’ici, fétiches d’ailleurs, des jours de pluie, des coups de cœur.  

 

Pile au-dessus de mon oreiller, un fin triptyque en laiton à la dorure fanée, objet de culte liturgique ramené de Grèce dans les années 60, offert à mes parents, m’accompagne vers autrefois. Heureuse nostalgie : Athènes, un antiquaire du Placa… probable pillage d’une église…  inconscience de mes seize ans.

Réminiscence sur ma gauche, minutes suspendues : une galerie de photos en noir et blanc.

Réminiscence sur ma droite : une fine bouteille emplie des sables colorés du Néguev, rappel d’une scabreuse virée dans le désert.

À coté du sable, l‘inoffensif dauphin bleu en céramique. Lui, il est venu en voilier de Minorque…

Tant de marques en creux, en relief, légères ou profondes, chics ou banales comme autant de tatouages.

Tout de même. Maintenant est absent.

Sur un des murs de la chambre-cocon, un portrait imprègne l’air. C’est mon tableau.

Entendez mon portrait. J’ai vingt ans, une queue de cheval une longue chemise aux rayures bleutées et aux manches retroussées.

Peinture palimpseste. Car moi seule sait qu’en contrepoint, sous le vêtement flottant, se cache désormais trois vertèbres soudées et les armatures rigides d’un méchant corset.

Il y a autre chose de planquer sous le trait du peintre, notre amicale complicité et sa tendre « prezzatura ».

Traduisez élégance nonchalante.

 

Tourner la page.

C’est que mon sous-préfet s’impatiente.

 « Il avait mis son habit bas ; et, tout en mâchonnant des violettes, M. le sous-préfet faisait des vers. »

 

Jeannine Anziani

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8 janvier 2019 2 08 /01 /janvier /2019 16:49

Voilà ! On y est parvenu... le centième numéro de la revue d'écritures Filigranes (www.ecriture-partagee.com) affectueusement surnommée "Fili", est sorti pour Noël.

Le numéro 100 ! Comment aurait-on pu penser que la thématique de l'année 2018 soit autre que 100% Création ?  Développée sur 3 numéros , ce N° 100 est le deuxième du thème, sous-titrée "Une année particulière".

Une autre consigne faisait aussi partie du challenge : placer 1984 (date de la naissance de Fili) dans le texte.

Ma foi, vous savez tout... bonne lecture de ma participation.

Filigranes : le centième !

BATEAU !

 

(Ce mot, employé seul sous la forme d’une exclamation, exprime l’idée que tout va bien, que ce qu’on entreprend est facile) –

Almanach provençal 1984

 

Cajoleuses, les vaguelettes viennent à ma rencontre. Mon regard les suit, mon visage sourit, l’amical baume salé caresse mes jambes et mes petits maux s’estompent. Les vaines pensées décalées, elles, coulent à pic.

Je me vide et je me remplis.[1]

Ici, à la lisière entre la mer et la terre, le monde n’existe plus ou si peu.

Seul subsiste l’instant, les sensations primaires : chaud, froid, faim, soif, et plonger pour oublier la société, les artifices, les trahisons, l’espoir sans cesse reporté, les mots jamais arrivés. Et la désillusion.

Le bien-être est à portée de main, plutôt juste sous mes pieds. Un, deux, trois, lâcher l’échelle de bain, lâcher tout.

Je suis en récréation. À la re – création de moi-même.

Trop d’attente n’était pas raisonnable. C’est que l’impatience est cruelle, le sentiment d’injustice décourageant, le doute obsédant ; rien d’évident de garder l’enthousiasme. Ces phénomènes de vie sont bien connus : instables, impermanents, sans cesse, inexorablement.

Tout là-haut, très fort, le soleil me l’assure, ces temps derniers, je me suis perdue de vue.

Mais la mélancolie.

 

Quant à toi, l’écriture, espèce de vulgaire papier mâché, va-t-en au diable ! Je t’ai déjà trop donnée. En ce moment, je suis fâchée.

Peut-être demain, je reviendrai vers toi, ou pas. Je sais, tu te crois indispensable. Quelle prétention ! Laisse-moi rire. En outre, mon désir de la parole écrite s’est émoussé. La pulsion du crayon, assoupie. J’ai perdu la foi.

« Attention, je suis ta drogue, dit une petite voix, crois-tu te débarrasser de moi aussi facilement ? »

Eh bien ! disons que je fais une cure de désintoxication.

 

De surcroît, des hiéroglyphes aux émoticônes, tout n’a-t-il pas déjà, et si somptueusement parfois, été mis noir sur blanc ?

 

Jeannine Anziani

 

[1] Se vider de tout ce dont on est plein

Se remplir de tout ce dont on est vide (Saint Augustin)

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16 avril 2018 1 16 /04 /avril /2018 09:01

Voici donc ma participation à Rejouer le monde, volume 3 de la série :

"Dans le miroir des mythes".  

Revue Filigranes : www.ecriture-partagee.com 

"Enfant déjà, nous inventions des mondes. Nous construisions des routes, nous soulevions les montagnes."

Extrait Edito N° 97 Michel Neumayer

 

Pan !

 

 Du gris, dans le ciel, au sol, partout, où que son regard se tourne.

Gris, aussi, le large fleuve qui roule bruyamment, au-dessous du

muret humide où Peter s’est assis.

 

Souvenir sans mélancolie, surgi d’un passé très récent, l’image

de sa paisible lagune aux transparentes eaux turquoise se juxtapose.

Un passant nonchalant déambule à deux pas en fumant. Tels des

signaux indiens envoyés de son ancien univers, les ronds bleutés

s’élèvent dans l’air froid : « eh bien mon garçon, on dirait que tu

en as fini avec ton reflet dans le miroir ! » semblent dire les volutes

à Peter.

 

Le jeune homme sourit, se remet à marcher. Les gens qu’il croise

ont-ils conscience du bonheur d’exister, pour de vrai ? Lui, s’étonne

encore de ces battements dans sa poitrine ; n’en finit pas d’apprivoiser

ce sentiment doux, chaud, large, plein, éblouissant comme une plage de

sable fin à perte de vue sous un soleil éclatant, qui l’emplie et le comble

au-delà de tout.

 

Pouah ! Tout de même, désagréable l’atmosphère chargée des

méchantes particules de la société qu’il a choisi de rejoindre. Vite,

une pensée agréable.

Voilà, le subtil mélange d’iris et de jasmin, qu’elle met tous les matins vient

lui chatouiller les narines. Cependant, s’il traîne et rêvasse ainsi, il va être

en retard !

 

Subitement, un léger bruissement d’aile contre son oreille, une voix

cristalline, soupçon larmoyante :

― Hello Peter…

Il sursaute :

― Toi ? Ici ? Mais…

― Oui. J’ai pris un grand risque en venant. J’ai enfreint toutes les

règles. Seulement, comment te parler autrement ? Peter, là-bas, depuis

ton départ,

rien ne va. Plus envie de s’amuser. Or, tu le sais bien, (long soupir) si nous

ne jouons plus, nous n’existons plus…

Hé ! murmure-t-il, y a pas que le jeu. Tu n’imagines même pas toutes

les découvertes que j’ai faites depuis mon arrivée. La musique, la peinture,

les livres. Et… la poésie. En ce moment, j’apprends un poème d’un certain,

euh ! Jacques… Jacques… Prévert. Tu sais, c’est passionnant d’apprendre.

― Pathétique ! En plus, c’est tellement moche et lugubre ici !

 

Tout en parlant, Peter et le minuscule personnage susurrant à son oreille

arrivent dans un jardin.

― D’accord, il y a des choses très laides dans ce monde-là, mais regarde,

s’écrie-il, pointant un doigt sur des sculptures disséminées à l’entour.

S’approchant d’une des statues, il se met à la caresser amoureusement.

Puis, doucement, en frissonnant :

Celle-là lui ressemble…

Oh ! Peter, c’est donc ça l’amour ?

Un prodigieux rire le secoue et il a la sensation de recevoir une flèche

de lumière en plein cœur :

OUI, répond Peter Pan.

 

Jeannine Anziani

 

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  • En l'an 2000, j'ai décidé de changer de vie ! Disons, de me consacrer à ce que j'avais toujours rêvé de faire : écrire... Alors, depuis, j'écris... pour les grands et pour les petits !
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