Il y a quelques jours, mon premier cadeau de Noël dans la boîte aux lettres ! "Mon" Filigranes ! Soit le numéro 91 (je suis certaine que vous ne réalisez pas l'exploit de la petite revue d'écritures qui persiste depuis plus de trente ans).
Pour rappel, la thématique en cours sur trois numéros est "Cela n'a pas de prix". Ce numéro 91, lui, aborde le côté "Ecriture, domaine public.
1ère partie : Place publique, page 14 : Sous le cabanon, pas de plage...
Sous le cabanon, pas de plage
Comme unique bagage : un stylo bille.
Au bout de l’encre, l’aventure.
Les mots… à ma rencontre ?
Mon corps vibre légèrement : « attention au départ ».
Risque, risque…
A première vue, la chose peut paraître dérisoire à l’échelle
des évènements qui secouent notre planète. Mais le premier
signe tracé sur la feuille quadrillée est comme le premier
pas sur un sentier inconnu. Partir… bille en main, à la
découverte. Peut-être, se découvrir…
Sans céder au découragement, avancer pas à pas,
dans la jungle des mots.
Adjectifs hostiles, verbes récalcitrants…
Jusqu’à l’obstacle infranchissable.
Les pensées refusent de faire leur boulot, empruntent
des chemins de traverse, batifolent à mes dépends !
Et mon stylo reste en plan.
« Ah ! Tirez-moi d’inquiétude ? En un mot, qui êtes-vous ? » 1
Marivaux, c’est un jeu.
Mais il me faut un mot, un seul fera
l’affaire, pour commencer.
Cabanon.
Attention, déboulent les images à fabriquer les phrases.
C’était « notre » cabanon, tel un minuscule éclat d’été grec
accroché à son rocher.
Ataraxie.
Le trouble, justement, je suis en plein dedans. Le
pittoresque cabanon va être détruit, implacable loi Littoral.
La tribu rappelle ses souvenirs et disperse le mobilier. Tu
prends ceci, je récupère cela. Le tour de la cheminée en
bois sculpté ? On le donne à Dominique.
La maisonnette se vide comme si elle perdait son sang.
En vérité elle perd son sens.
En vérité c’est toute l’ambiance de l’Anse qui s’en va,
un patrimoine qu’on explose.
Oui, les maisons meurent aussi.
Place au plus grand dénominateur commun.
Epitaphe :
Ici a vécu une famille heureuse.
Déjà, d’autres personnes viennent tracer des tags lépreux
sur les murs blancs et les Affaires Maritimes, après sondages
au burin, ont tapissé de gravats le carrelage azur
de la terrasse.
Bientôt la roche dénudée.
Jeannine Anziani