Pour les 30 ans de Fili, le N°87 nous attendait en cadeau de bienvenue au séminaire. En plus, les graphismes de cet exemplaire sont signés... Pascale Anziani ! C'est-à-dire Fille Chérie.
Photos magnifiques bien entendu ! (J'attends leur envoi pour vous les ajouter)
Sous la thèmatique générale de l'année : "De l'encre et du papier. Au coeur de l'humain", ce numéro s'attachait à "Un petit penchant pour l'écriture".
Page 42, il y a ma participation... Bonne lecture.
A marée basse
C’est une longue langue de sable fin et doré qui longe une forêt de pins et s’applique à festonner le bassin d’Arcachon.
C’est marée basse, un garçonnet et deux fillettes jouent paisiblement à trois pas d’un papa attelé, plein d’ardeur, à la construction d’un château monumental. A quelques encablures, oublieux de béquilles, deux modestes voiliers sont couchés sur le flanc. Fond de scène : les piquets de bois des parcs à huitres, lancent vers le ciel leur nue rigidité.
Avis de grands moments, imminents.
Cueillir la sérénité, la poser sur son cœur ; se rassasier de beauté, humer le vent, remercier les dieux et le temps.
Incliner le corps vers la grève, déchiffrer les arabesques sculptées par le ressac, rendre grâce à la nature ; se redresser apaisée dans cette échancrure du temps.
A marée haute, envolés les minots ! Mais les voiliers flottent benoitement, les piquets émergent à peine de l’eau verte et je nage en pleine félicité.
Écrire à contre-courant.
J’avais treize ans. Premier long périple en compagnie des parents. Juste avant le départ, mon père m’avait tendu un petit carnet rouge à spirale. Rouge franc.
- C’est pour toi : un carnet de voyage. Attention, tu devras écrire tous-les-jours, sans faute… Ce n’est pas compliqué, tu n’auras qu’à simplement décrire le déroulement des journées : les départs, les arrivées, les visites aux musées, même, pourquoi pas, les menus des repas…
J’avais attrapé le carnet, j’avais attrapé l’écriture.
J’ai retrouvé le carnet plus de cinquante ans après : écriture enfantine sous la si belle et harmonieuse écriture tutélaire du père. D’ailleurs, au fil des pages, davantage du père... Mais, sûrement, subrepticement, quelque chose s’était mis en place.
Il avait insisté :
- Écrire pour ne pas oublier.
Aligner des mots sur du papier ? Pour quoi, pour qui ?
Ne pas se leurrer, au début il s’agit de se raconter. Forcément, toujours, quasiment, ça commence par le MOI.
Ensuite ?
Incliner la tête, les pensées se mettent à glisser comme sur un toboggan. Quels sons font les pensées ? Tantôt un clapotis de vagues claires, fraîches et sincères ; tantôt un grondement sourd, sombre, angoissant, à l’instar de l’océan.
Au passage dérivent des images et, sage allégresse, s’arriment des phrases.
Qui seraient comme autant de grains de sable.
Certain, c’est le sable d’un chemin.
Pour aller vers…
Jeannine Anziani